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Un coup... Une douleur aiguë... Le noir...
Il lui semblait que c'était la fin de la journée, que le soleil se couchait, au moment ou elle s'était tenue sur ses pieds la dernière fois. A présent, elle devait avoir une sacrée bosse. Et où était-elle, et quelle heure était-il, et qu'avait-elle fait aujourd'hui ? Elle n'en savait plus rien. Quelque chose la dérangeait, elle se sentait enfermée, prisonnière. Un moment fut nécessaire avant qu'elle ne puisse ouvrir les yeux et reprendre une pensée claire. Pensée claire, c'est-à-dire qu'elle ne pensait pas: c'était une sorte de réaction contre son beau-père qui disait que les filles pensaient tout le temps, alors que pour les garçons, quand ils ne disaient rien, ils avaient du vent dans la tête, inutile de leur demander à quoi ils pensaient. Alors elle avait voulu lui expliquer clairement et distinctement que les filles aussi pouvaient avoir du vent dans la tête, des fois. C'était quand elle avait dix-sept ans. Elle avait dû prendre l'habitude, ensuite, parce qu'il lui arrivait bien souvent de ne penser à rien. Parfois en plein milieu d'un cours aussi, c'était fort embêtant. D'ailleurs, il fallait forcément que ce soit une voix féminine qui lui demande alors:
- A quoi pensez-vous, professeur Spoilt ?
Déjà, elle ne voulait pas s'entendre appeler professeur Spoilt. C'est MADAME Spoilt. Mademoiselle, c'était encore mieux. Ou Circé, pour les intimes. Mais cette personne-là, dont elle ne parvenait de toute façon pas à voir le visage, n'était pas un intime. Ou alors les intimes étaient devenus drôlement étranges. Pourquoi était-elle ici ? Ah, mais c'était la question qu'elle s'était posée il y a deux minutes déjà. Et elle n'avait pas trouvé de réponse. A en juger par son mal de tête, cela ressemblait à un enlèvement. Mais enfin ! Un enlèvement dans le collège ? C'était épouvantable. Elle avait bien vu dans sa boule de cristal qu'il se passait quelque chose, Poudlard tombait en ruine et elle surveillait particulièrement les feuilles de thé pour être sûre que sa salle de cours ne lui tomberait pas sur la tête, mais elle n'avait prévenu personne. Elle pensait que c'était simplement une erreur... Et que faisait-elle ici ? Ah ? Elle se l'était déjà demandé deux fois ? Possible. C'était quelque chose qui lui arrivait souvent, selon ses lèves. Mais hors de question qu'elle laisse entendre qu'elle est en train de devenir gâteuse. Alors c'était toujours la faute des élèves, pas la sienne.
Après quelques cours avec elle, très peu même, ou une maigre rencontre dans la salle des profs, il était clair que Circé avait la bougeotte. C'était même peut-être pire que ça. Elle était incapable de rester assise deux minutes sans bouger, et ce serait une torture que de devoir la forcer à s'asseoir convenablement sur une chaise pour une concertation. Mais cela ne se remarquerait que trop bien par la suite: passons. S'il existait plus irascible qu'elle, ce ne serait plus supportable à vivre. En colère au moindre soucis, acharnée sur ses élèves, ce n'était pas simplement parce qu'elle ne voulait que leur réussite, aussi sans doute pour le plaisir de crier. Après tout, cela la défoulait. Mais heureusement, elle pouvait garder comme prétexte que c'était bon de crier sur les élèves pour les motiver, il y aurait toujours des cancres. Ce qui était plus embêtant était sa mémoire de poisson rouge: elle lit dans l'avenir, pas dans le passé, et cela est très clair. Il lui arrive souvent de hurler sur les élèves parce qu'ils ne rendent pas un devoir alors qu'elle n'en avait jamais parlé auparavant. Certains, plus intelligents ou plus stressés que les autres, venaient la voir en tremblant pour réclamer quelque chose qu'elle aurait oublié de donner: chaque fois, elle pestait contre eux avant de se rendre à l'évidence: elle avait tout simplement oublié. Malgré tout, ce n'était pas juste une femme méchante, désagréable, toujours en train de crier, insupportable, machiavélique, sanguinaire, redoutable, dangereuse, effrayante, formidable, inquiétante, invulnérable, mauvaise, maléfique, menaçante, néfaste, puissante, rude, sauvage, sinistre et terrifiante. Elle était vivement affectée par l'échec de ses élèves et se battait toujours pour remonter au possible les résultats notés trop bas. Elle pouvait hurler sur un élève: si elle le voyait pleurer, ou si elle avait peur d'être allée trop loin, elle ne regardait jamais en sa direction, elle s'assurait toujours que tout allait bien à la fin du cours. A une exception près: elle avait horrrrrrreur qu'on ne lui dise pas bonjour, et elle était capable d'être très méchante avec la personne en question si cela se produisait.
- Je ne pense à rien du tout, madame. Sachez que quand un homme ne bouge plus, il a du vent dans la tête. Mais les filles sont capables de le faire aussi ! D'après mon beau-père, elles sont incapables de comprendre ça, elles sont toujours en train de penser. Je vous assure que ce n'est pas mon cas.
Demander "qui êtes vous ?" Foutaise, inutilité la plus totale. Si cette voix féminine avait pris la peine de se mettre une cagoule, ce n'était pas pour lui dire son nom. Mais où allait le monde... On ne leur avait jamais rien appris, à ces gens. Et la morale ? Où était-elle ? Au moins, elle, quand elle était petite et qu'elle faisait une bêtise, sa mère feignait les larmes en prétendant: "quand tu fais ça, maman elle t'aime plus". Et cela marchait très bien, puisqu'elle avait arrêté par la suite de piquer des bonbons chez la boulangère. C'était dommage, d'ailleurs, car elle avait manifesté des dons magiques très tôt, des dons de Divination, et elle savait tout à fait quand la boulangère était ailleurs ou avait le dos tourné. Finalement, ce n'était pas si grave, elle n'aimait pas particulièrement les bonbons. Circé aimait le café. Dès qu'elle se levait, c'était la première chose qu'elle faisait. Puis avant d'aller faire cours, puis à chaque pause, puis le midi, puis entre les cours de l'après-midi, même le soir... Que personne ne s'étonne qu'elle fasse des insomnies ensuite ! Mais sinon, c'est une passionnée. Elle aime tout lire et la bibliothèque manque de nouveautés à son goût, elle fume ces merveilles de cigarettes moldues et parle sans gêne avec ses élèves.
- Vous avez de l'humour. Dites-moi tout sur votre famille.
- Pardon ? Mais vous ne pensez pas que je vais vous raconter ma vie non !
Chose à ne pas dire. L'inconnue prit sa baguette et, en remuant à peine les lèvres, lui fit subir sous le choc de la surprise d'un sortilège... de chatouilles. Un sortilège qui devrait être interdit, surtout sur un prof... Mais qui...? Comment...? Dans l'école, dans Poudlard ! Où étaient les Directeurs ? Pourquoi n'étaient-ils pas au courant ? Et pourquoi elle, Circé Florence Spoilt, n'avait-elle rien vu venir ? Sa ravisseuse rompit le charme. Elle ressentait encore sur elle la douleur affreuse de ce sort terrible, tout son corps transir et brûler, partir en cendres à la suite de ce feu insupportable. Elle n'avait encore jamais eu à subir de sortilège impardonnable, et ce n'était pas agréable du tout. Finalement, elle allait répondre à ses questions.
- Changé d'avis, professeur ?
- Mes parents étaient bouchers.
- Des moldus ?
- Non.
- Alors expliquez-moi pourquoi ils avaient besoin de faire un métier aussi ridicule ?
- Parce qu'ils le voulaient. Nous n'étions même pas au courant de l'existence des sorciers. J'avais des dons de Divinations, mais j'étais petite. Mon petit frère est Cracmol. Ils préféraient avoir une vie normale.
Elle avait un peu retrouvé ses esprits, et elle arrivait à voir clairement ce que son adversaire désirait entendre. Elle se contenta du minimum. Elle comprit aussi que la demoiselle ne tarderait pas à partir et à la laisser là. Il lui fallait encore un peu de temps pour voir plus loin dans l'avenir, mais cela ne tarderait pas. En attendant, elle attendait la question suivante, et avait soigneusement préparé sa réponse avant qu'elle ne soit posée: et ses enfants ?
- Vous croyez que je n'ai que ça à faire ?
Circé était trèèès belle. Et son esprit, sa façon de parler, sa passion pour ce qu'elle disait lui donnait beaucoup de charme également. Elle ne faisait malheureusement pas tomber par terre TOUS ses élèves (mais une bonne partie quand même), parce que son sale caractère la rendait peu appréciée pendant ses cours. Elle a les cheveux châtain clair très bien coiffés (un nouveau traumatisme par rapport à son beau-père qui l'était très peu, si bien qu'on pourrait croire qu'il ne se coiffait que le lundi, à en juger par l'énorme épi du vendredi matin...), des yeux de même couleur, un teint terne de fumeur. Elle n'est pas spécialement grande. C'est tout de même un personnage assez particulier dans sa façon d'être. Elle marche un peu bizarrement, à la Michael Jackson, comme si elle glissait mais en avant, en allant assez vite (évidemment, quand il est possible de glisser, dans le couloir de l'école par exemple), souvent avec un café à la main. Dehors et sans café, elle est très décontract', regarde autour d'elle et dit bonjour à tous ceux qu'elle connaît, de façon parfois un peu automatique. Et, étrangement, avec un sac sur le dos, elle oublie tout le reste, la démarche change complètement: à fond dans le couloir, tête baissée, parfois en parlant toute seule. En cours, c'était très différent. Elle avait toujours son café à la main, et elle prenait la tasse, faisait des petits ronds avec, la postait à la bouche, puis la reposait sans avoir bu. De temps en temps quand même, elle buvait avec un gros "ssssllllllllppppp". S'il n'y a pas de café dans la tasse, elle faisait quand même mine de le boire: blague destinée au élèves ou idiotie ? Elle-même n'avait même pas remarqué tous ses tiques, et vu sa mémoire, elle ne saurait le dire. Elle se fichait de toute la panoplie du sorcier, elle préférait porter d'énormes robes bien décorée, sa préférée était bleue avec des papillons qui battaient des ailes tous seuls... Son extravagance l'empêchait malheureusement parfois de passer la porte. Elle avait trop de tics de langage pour perdre du temps à les citer: un seul semble capital: dans le cas où elle aurait dit quelque chose qui ne ferait pas rire l'auditoire ou qui visait implicitement quelqu'un (présent dans la salle ou pas): "Ouais... Bref."
Elle était sur le point d'être apte à découvrir qui elle était. Mais aussi, elle savait qu'elle s'apprêtait à partir. Justement, quelqu'un d'autre entra. Elle partit sur son ordre, et tous deux laissèrent Circé seule, assise sur sa chaise. Et dire que le matin encore elle se plaignait de ces maudits contrôles de connaissance à corriger ! Même si ses Poufsouffle de cinquième année l'épuisaient à ne jamais apprendre leurs cours, c'était plus agréable de les avoir en classe que d'être ligoté sur cette chaise. D'ailleurs, elle n'en pouvait déjà plus. elle avait besoin d'un café. Et d'une clope. Et vite. Dehors, il pleuvait... Pff, elle allait être trempé, et encore entendre des élèves le regarder avec des yeux de merlan frit en lui demandant si elle était allée dehors. Mais que croyaient-ils tous ? Qu'elle s'était pissé dessus ? Deux heures plus tard, elle était encore là, ne sachant l'heure que grâce à ses pouvoirs. Et les deux gus de tout à l'heure n'étaient pas revenus. S'ils avaient aussi bonne mémoire qu'elle, elle n'était pas près de pouvoir partir...
Mais tout est bien qui finit bien, les enfants. Parce qu'un collègue passa un peu plus tard et elle cria lorsqu'elle prédit qu'il était à bonne distance pour l'entendre. Il s'agissait d'une plaisanterie des élèves. Il n'avait que cela à faire, apparemment, au lieu de réviser la Divination...
Elle voit tout ? Vraaiiiimeent tout ? *Cache son caleçon Spider-man*"
