Là où le vent nous mène
Gabrielle-Rose est une jeune fille plutôt discrète. Elle n’aime pas attirer l’attention sur elle, de quelque manière que se soit. On ne peut pas la qualifier de timide, le contact avec les gens ne lui pose aucun problème, c’est juste qu’elle n’aime pas être trop entourée. Elle est également très maligne, et n’hésite pas à s’adapter aux personnes qui l’entourent pour s’intégrer ou au contraire, à se différencier d’eux. Elle a énormément voyagé et accorde, par conséquent, un intérêt tout particulier à tout ce qui rapporte aux cultures et aux modes de vie étrangers. Il est probablement utile de préciser qu’elle n’a pas un caractère facile : elle est extrêmement têtue et n’aime pas, mais alors pas du tout, avoir tort. Elle admet d’ailleurs très rarement qu’elle s’est trompée et ne présente pas souvent des excuses même si elles seraient largement les bienvenues. Quand elle s’énerve, elle a tendance à rester sur ses convictions jusqu’à ce que l’autre change d’avis et ne fera certainement pas le premier pas vers la réconciliation. Elle est également très croyante et donnerait sa vie pour défendre ses valeurs. La belle est également très joyeuse et très optimiste. Elle a toujours cru en ses rêves et fait tout pour les réaliser. Quant aux sentiments, elle ne croyait pas en l’amour avant qu’il lui tombe dessus quelques années auparavant. L’amitié compte beaucoup pour elle, elle ferait tout pour ses amis et pense que la solidarité est la chose la plus importante. What's you story, morning glory ?
Hospital Santa Cecilia,
Monterrey, MEXICO.
1994, 12 Avril.
00h02. Des hurlements résonnèrent dans l’une des salles blanches, d’un grand bâtiment très fréquenté du centre de Monterrey. Anna-Charlott Sanchez transpirait, allongée sur un lit d’hôpital couvert d’un nombre incalculable de draps. Sa main droite desserra la main qu’elle tenait depuis une bonne heure. Elle leva les yeux et croisa le regard de son mari, Matthieu Sanchez qui se tenait debout à ses côtés. Le large sourire étendu sur son visage laissant apparaître ses dents blanches comme la neige et parfaitement alignés amenait à penser qu’il était heureux. Elle était soulagée, prit une grande inspiration puis s’évanouit.
06h46. Le soleil venait de se lever sur la belle ville de Monterrey. Une petite lueur passa à travers le volet fermé de la chambre d’hôpital. Petit à petit, la pièce s’éclaira. Ce qu’on voyait comme de simples ombres, devinrent des objets. Ce qu’on voyait comme des nuances de gris, devinrent des couleurs. Bref, ce qu’on avait du mal à identifier quelques minutes auparavant, devinrent parfaitement identifiables. La jeune femme allongée sur l’unique lit de la chambre ouvrit un œil, puis le second. Elle avait mal, très mal. Elle savait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps, elle devait lui dire. Elle saisit un des parchemins posés sur la table à droite du lit ainsi que la plume et écrit.
Jude,
Il ne me reste que très peu de temps. La maladie devient de plus en plus présente, elle envahit petit à petit chaque cellule de mon corps, je me suis battue, j’ai gagné. Matt est également gravement atteint, tu le sais.
Tu as toujours été là pour nous, tu es notre seule famille et j’espère que je pourrai compter sur toi une fois encore. Notre petite Gabrielle-Rose est la chose la plus précieuse que je possède et bientôt, elle n’aura plus personne. Plus personne à part toi. Je sais que je te demande beaucoup mais elle a besoin de toi, elle a besoin de quelqu’un de bien, quelqu’un qui lui apprendra à utiliser sa magie, quelqu’un qui l’aidera à grandir et à vivre une vie paisible. Tu l’as compris, j’aimerais que tu prennes soin d’elle, que tu la prennes comme fille et que tu fasses d’elle une sorcière forte. J’aurais préféré pouvoir t’en parler de vive voix mais le temps me manque et je ne serai probablement plus de ce monde quand tu liras cette lettre. Bref. Je compte sur toi. Nous comptons sur toi.
Il ne me reste que très peu de temps. La maladie devient de plus en plus présente, elle envahit petit à petit chaque cellule de mon corps, je me suis battue, j’ai gagné. Matt est également gravement atteint, tu le sais.
Tu as toujours été là pour nous, tu es notre seule famille et j’espère que je pourrai compter sur toi une fois encore. Notre petite Gabrielle-Rose est la chose la plus précieuse que je possède et bientôt, elle n’aura plus personne. Plus personne à part toi. Je sais que je te demande beaucoup mais elle a besoin de toi, elle a besoin de quelqu’un de bien, quelqu’un qui lui apprendra à utiliser sa magie, quelqu’un qui l’aidera à grandir et à vivre une vie paisible. Tu l’as compris, j’aimerais que tu prennes soin d’elle, que tu la prennes comme fille et que tu fasses d’elle une sorcière forte. J’aurais préféré pouvoir t’en parler de vive voix mais le temps me manque et je ne serai probablement plus de ce monde quand tu liras cette lettre. Bref. Je compte sur toi. Nous comptons sur toi.
Anna-Charlott
Après l’avoir relu plusieurs fois, elle enroula le parchemin puis le reposa, tout comme la plume. Elle ferma les yeux. Son rythme cardiaque ralentit, encore, encore jusqu’à ce que plus aucun battement ne soit perceptible. Sa respiration s’arrêta également, elle partit.
International Airport Benito Juárez
Cuidad de México, MEXICO.
1994, 14 Octobre.
« Mesdames et messieurs, veuillez attacher vos ceintures. Nous n’allons pas tarder à décoller. »
Machinalement, Jude Stevenson tira sur la ceinture de son siège et le petit clic retentit. Il n’aimait pas prendre l’avion. C’est ce qu’il décréta. A partir de ce jour, il ne prendrait plus l’avion. La beauté de ses yeux bleus était tachée par les bagages noirs qu’il portait en-dessous. De la tristesse, de la fatigue. Mais surtout de la tristesse. Son regard se posa sur la petite main qui lui agrippait le doigt. Gabrielle-Rose. C’est ce qui était inscrit en italique sur la gourmette en or qui resplendissait au poignet d’un magnifique bébé. On croirait voir un ange, pensa-t-il.
London, ENGLAND.
1996, 30 Janvier.
Il faisait froid. De petits morceaux de cotons blancs commençaient à tomber du ciel. Alors qu’ils étaient de plus en plus nombreux, une tête blonde tendit sa main, l’ouvrit. La petite chose s’y posa lentement puis d’une seconde à l’autre, disparut. Cette disparition aussi soudaine qu’inattendue n’était pas du goût de la petite fille, aussi, elle amena à nouveau un flocon à se poser dans le creux de sa main, puis un second, un troisième, un quatrième, jusqu’à en avoir la main pleine. Elle les lança dans les airs et les fit léviter puis les laissa tomber. Elle s’applaudit et recommença encore. « Gaby ! » La petite sursauta. Son parrain accourra. « Tu veux bien me remontrer ce que tu viens de faire ? » lui demanda-t-elle. Gabrielle-Rose s’exécuta, fière d’avoir captivé l’attention de son parrain. « Mais c’est fantastique ma chérie ! » s’exclama ce dernier. Il prit la petite dans ses bras et l’amena dans la maison. C’était la première fois qu’elle faisait usage de la magie. Elle était fière, fière d’avoir montrer à Jude qu’elle aussi était capable de faire de belle chose, fière d’être comme lui !
Gabrielle-Rose n’avait jamais utilisé sa capacité à s’exprimer vocalement. Elle dit son premier mot à l’âge de 5 ans et dès qu’elle le pouvait, elle s’exprimait beaucoup plus volontiers avec sa magie. Son parrain n’était pas vraiment tout à fait d’accord avec cette façon de s’exprimer et aurait préféré que sa petite blonde joue au ballon sans utiliser la magie. Oh certes, elle faisait ça avec la plus grande discrétion mais il ne doutait pas une seconde de la culpabilité de sa fille.
Cuidad Juárez International
Juárez, MEXICO.
2003, 1er Juillet.
C’est le 1er juillet 2003 que Gabrielle-Rose mit pour la première fois les pieds à Juárez, une ville située sur la frontière mexico-américaine. Au sud, la beauté du paysage mexicain qu’elle aimait tant. Au nord, l’inconnu. Inaccessibles mais pourtant si proches, le Nouveau-Mexique et le Texas, les States. La jeune blonde avait déjà beaucoup voyagé. Elle avait soif d’apprendre, elle voulait connaître d’autres modes de vie. Elle s’arrêta, se retourna et vit Jude arriver vers elle. Une fois qu’il fut arrivé à son niveau, elle appela un taxi qui les conduirait jusqu’à leur hôtel. Une fois leurs valises chargées dans le coffre, le chauffeur démarra. Ils traversèrent les rues de la ville les unes après les autres. Gabrielle-Rose aimait ce pays, elle aimait la joie de vivre que ses habitants dégageait, elle aimait retourner à ses racines bien que, physiquement parlant, elle n’avait rien à voir avec les mexicaines typiques : les cheveux blonds, le teint et les yeux clairs. Rien à voir. En revanche, l’espagnol s’était OK. La belle s’exprimait parfaitement dans cette langue qu’elle parlait couramment depuis toute petite. Jude avait mis un point d’honneur à la lui apprendre. Revenons-en au Mexique. Elle aurait aimé vivre ici, elle aurait volontiers troqué la pluie londonienne contre la chaleur mexicaine. Elle aurait préféré le soleil du Mexique aux nuages de l’Angleterre. Le soleil descendait de plus en plus bas à l’horizon. Il n’allait pas tarder à aller se coucher. La ville devint moins bruyante, les rues se vidaient petit à petit alors qu’ils arrivaient à l’hôtel. Jude avait déjà séjourné dans ce quartier, Juárez était une ville dangereuse, le cartel de Juárez et le cartel de Sinaloa s’y opposant violemment. Cette partie de la ville était plus ou moins sure et il y connaissait plusieurs sorciers dignes de confiance.
London, ENGLAND.
2004, Juillet.
Le ballon passa au-dessus du mur, on entendit une voiture klaxonner. « Merde ! » jura la jeune blonde. Un rire s’éleva derrière elle. Elle se retourna et regarda à qui elle avait à faire, observa le garçon, le dévisagea. Ses cheveux étaient noirs, en bataille, comme coiffés par un pétard. Il avait des yeux aussi sombres que la nuit, une peau mate qui faisait ressortir ses dents blanches comme le neige et parfaitement alignées, on aurait dit un ange. Tous deux furent pétrifiés, l’un par le regard de l’autre. Ils restèrent là, immobile, silencieux, des minutes durant. Pourtant, aucun des deux ne regardait l’autre dans les yeux. Le garçon baissa la tête, elle avança jusqu’à lui et se rendit compte qu’il était bien plus grand qu’elle. Il leva les yeux tandis qu’elle baissa la tête et il murmura : « Excuse-moi. » Ces deux mots firent place à de nouvelles minutes de silence, puis il continua : « Tu es une sorcière, pas vrai ? » Gabrielle-Rose fut étonnée par cette remarque, ne sachant pas quoi dire, elle hocha la tête. « Je m’appelle Valentin, et toi, toi tu es Gabrielle, je me trompe ? » Encore une fois, l’assurance du garçon surpris la jeune fille. Elle ressentait une telle sincérité et une douceur dans sa voix qui lui firent baisser sa garde. « Non, tu ne te trompe pas. Gabrielle-Rose, enchantée. » Pour la première fois depuis de longues minutes, elle leva la tête et leurs regards se croisèrent l’espace d’une demi-seconde. Les battements de son cœur s’accélérèrent et elle eut ce sentiment de joie qui grandissait à l’intérieur. Instinctivement, elle sourit. Ils allèrent s’assoir et tous deux se confièrent l’un à l’autre comme s’ils s’étaient toujours connus. La jolie blonde parla pour la première fois de ses défunts parents, de sa vie si peu commune. Elle parlait à cœur ouvert, sans rien dissimuler. Et il l’écoutait avec intérêt, lui posant une ou deux questions ça et là. Puis se fut son tour, il lui raconta comment il avait grandi dans une famille riche, sa mère était enseignante et son père un grand médicomage. Il lui confia qu’il avait toujours passé son temps à cacher sa personnalité aux autres, à se méfier de tous et qu’il n’avait jamais vraiment usé de ce don que possède quasiment tous les êtres humains : la parole. L’espace de quelques heures, ils savaient tout l’un de l’autre, n’avaient plus aucun secret l’un pour l’autre.
London, ENGLAND.
2009, 26 Juillet.
Ma Gabrielle-Rose,
Comment vas-tu ? Je sais que je ne t’ai donné aucun signe de vie depuis quelques semaines maintenant et j’en suis désolé. J’aurai du répondre à tes lettres, j’aurai du venir te voir, je le sais. Comme je te connais, tu m’en veux beaucoup. J’ai fait beaucoup durant ces semaines mais je suis conscient que cela ne justifie en rien mon absence. Aussi, je t’envoie un billet d’avion pour que tu me rejoignes à Mexico. Tu me manques beaucoup, la maison est si vide sans toi !
Je sais bien que tes études sont très importantes pour toi, autant que les miennes le sont pour moi mais il y a une très très bonne école ici et je suis persuadé que tu t’y plairas. Viens vivre avoir moi !
Nous avons tous hâte de te voir.
Je t’aime.
Comment vas-tu ? Je sais que je ne t’ai donné aucun signe de vie depuis quelques semaines maintenant et j’en suis désolé. J’aurai du répondre à tes lettres, j’aurai du venir te voir, je le sais. Comme je te connais, tu m’en veux beaucoup. J’ai fait beaucoup durant ces semaines mais je suis conscient que cela ne justifie en rien mon absence. Aussi, je t’envoie un billet d’avion pour que tu me rejoignes à Mexico. Tu me manques beaucoup, la maison est si vide sans toi !
Je sais bien que tes études sont très importantes pour toi, autant que les miennes le sont pour moi mais il y a une très très bonne école ici et je suis persuadé que tu t’y plairas. Viens vivre avoir moi !
Nous avons tous hâte de te voir.
Je t’aime.
Valentin
On pouvait lire la surprise sur le visage de Gaby. Voilà plusieurs semaines que Valentin n’était plus entré en contact avec elle. Certes, il lui manquait. Beaucoup. Elle savait très bien que lorsqu’il aurait déménagé, lorsqu’il vivrait à l’autre bout du monde, leur relation ne serait plus tout à fait la même. Elle avait retrouvé la maison de son parrain dans le centre-ville londonien, une maison si vide…Elle qui avait vécu avec Valentin et sa famille pendant que Jude s’était rendu en Australie pour affaires, était habituée à une maison vivante, bruyante, animée. Sa magnifique maison lui semblait désormais sans vie. Elle aimait la solitude, avant. Maintenant, elle n’y était plus habituée. Elle avait besoin d’entendre des rires, de la musique, des voix. Tout ce qui manquait lorsqu’elle était seule. Autant dire que cette lettre était plus qu’inattendue ! Elle était tentée d’utiliser ce billet, d’aller vivre dans le pays qu’elle aime, avec les gens qu’elle aime : sa seconde famille. Mais elle était également tout à fait consciente que cela lui était impossible, elle devait finir ses études, coûte que coûte.