Maudit soit-il ! pesta dangereusement Ana-lena tandis qu'elle était penchée sur la cuvette des toilettes. Depuis plus de dix minutes, le contenu de son estomac se déversait inlassablement, secouant son corps de spasmes violents, désagréables, incessants. A chaque convulsion, elle avait l'impression que ses boyaux, ses tripes et tous ces affreux tuyaux, organes et bidules qui constituaient son organisme allaient remonter dans sa gorge afin de sortir de son corps d'un instant à l'autre. Elle ne cessait de se demander où son estomac allait chercher autant de matière à évacuer. Elle n'avait pourtant eu le temps d'avaler que deux tranches de pain avant d'ingurgiter cet affreux poison, et la veille au soir, elle n'avait pratiquement rien mangé. Elle avait face à elle un mystère qu'elle ne pouvait éclaircir ...

Lorsqu'enfin, les spasmes se firent moins violents, plus espacés, Ana-lena put reprendre ses esprits. Son frère allait lui payer ça ! Oh oui, il n'allait pas s'en sortir aussi facilement. Il se trouvait drôle avec ces idées tordues !? Elle pourrait presque croire que ce sale coup avait été organisé par London tellement cela relevait de la gaminerie ! Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête !? Qu'est-ce qu'il aurait fait si elle n'avait pas eu le temps de se réfugier aux toilettes et si elle s'était mise à vomir en plein milieu de la Grande Salle, entre la table des Serdaigles et des Serpentards !? Il se serait sûrement senti bien aussi con qu'un scroutt à pétard cet imbécile ! Oui, si en plus de souffrir le martyr pendant dix minutes, Ana-lena s'était lamentablement ridiculisée devant la moitié des élèves de l'Ecole, probablement aurait-il regretté son geste inconsidéré ! Furieuse, la Serdaigle se redressa promptement. Des élancements désagréables torturaient son dos et ses membres, si bien qu'elle dû consacrer bien cinq minutes à détendre ses muscles douloureux. Ana-lena se rinça abondamment la bouche, remis ses cheveux en place, rajusta ses vêtements, et d'un pas décidé, elle quitta les toilettes afin de regagner la Grande Salle pour dire deux mots à son aîné.

Après avoir passé la porte de la Grande Salle, Ana-lena se dirigea vers la table des Serpentards, d'un pas vif, rapide, alerte. Elle n'eut pas besoin de chercher son frère des yeux, il attira tout de suite son attention. Tandis qu'elle se rapprochait de lui, son regard froid et dur était planté dans le sien. Autour d'elle, les élèves se retournaient sur son passage, se tassaient sur eux-mêmes ou observaient la scène avec inquiétude. Qui allait donc subir le courroux de la princesse Bradshaw ? Son frère ! Alors que cette découverte aurait dû soulager la plupart des élèves, elle ne provoqua en réalité que la panique. Un membre de la famille Bradshaw était déjà un véritable ouragan, alors qu'est-ce que ce serait que deux membres de cette même famille, animées par cette colère furieuse qui émanait d'Ana-lena !? La plupart des élèves ne cherchèrent pas à avoir de réponse ; petit à petit, la Grande Salle se vidait : la table des Gryffondors restait passablement occupée tandis que celle des Poufsouffles était désormais déserte. Lorsque la Serdaigle arriva à celle des Serpentards, elle remarqua qu'il n'y avait pas une seule personne à moins de cinq cent mètres du duo qu'elle formait désormais avec son frère. Mais Ana-lena n'avait pas l'intention d'user de magie contre lui, du moins pas pour l'instant. Elle voulait avoir une explication avec cet espèce de cinglé qui la croyait coupable de tous ces malheurs - si malheurs il y avait, parce qu'après tout, son enfance, son adolescence, sa vie, tout simplement, n'avaient pas été des plus difficiles ; il ne fallait pas exagérer ! La jeune fille passa agilement sa jambe par dessus le banc et prit place en face de Liam. Ses gestes étaient souples, rapides, déterminés. Sans quitter son frère du regard, elle rapprocha son visage du sien, se penchant par dessus la table. « Tu vas m'expliquer ton petit jeu Liam ... » lâcha-t-elle d'un ton menaçant, d'une voix sèche, froide, assurée. « Je commence à en avoir par dessus la tête de ton cirque ! Tu t'es pris pour un clown ou quoi !? Laisse donc ce sale boulot à London ; cesse donc de salir notre nom par tes pitreries ! »

Ne craque pas Ana, surtout, tu ne craques pas ! Garde ton calme ... ne craque pas ! La Serdaigle se repassait en boucle le même refrain depuis près de deux minutes. Face à elle, Liam affichait cette inimitable et exaspérante expression à la fois méprisante et impassible, qui avait le don de faire perdre son calme à Ana-lena. En effet, s'il y avait bien une chose qu'elle ne supportait pas, c'était ce dédain, ce calme imperturbable et cette nonchalance exagérée, simulée même, qui caractérisaient son frère. Liam savait comment la faire sortir de ses gonds, et il ne perdait jamais une occasion de pratiquer son art. Mais aujourd'hui, Ana-lena était bien décidée à ne pas offrir à son frère le plaisir de créer un scandale. Elle était déterminée à lui faire face et à comprendre ce qui se passait dans sa petite tête de gnome ! Oui, aujourd'hui, ils allaient jouer cartes sur table ! Parce que depuis le début de l'année, depuis cette fameuse entrevue dans le Poudlard Express, elle n'avait fait que subir et répliquer, sans jamais obtenir de réponses. C'était quoi son problème à Liam !? Pourquoi d'un seul coup, comme ça, sans crier gare, il s'était mis en tête de lui pourrir l'existence !? Elle qui croyait pourtant qu'ils se comprenaient, qu'ils étaient pareils au fond ... Voilà qu'il l'avait lâchement poignardée justement au moment où elle aurait eu besoin de lui, de son silence rassurant, de son regard noir et pourtant réconfortant, de sa main puissante sur son épaule, malheureusement trop rare. Oui, cette déclaration de guerre était bien digne d'un Serpentard, de Liam, tout simplement. Elle aurait dû s'en douter au lieu de se voiler la face ! Elle avait été bien stupide de croire qu'il était son allié ...

« Tu es plus rapide d'habitude. Tu es en retard de dix-huit minutes, je dirais. Le fait de passer un peu plus de temps dans les toilettes a du te retarder, j'imagine. » Ana-lena serra les dents pour empêcher les mots de fuser hors de sa bouche. Elle sentit ses ongles s'enfoncer dans sa paume et son corps tout entier bouillonner de rage. Mais elle ne craqua pas. La jeune femme garda le silence et ne releva pas la remarque cinglante de son frère, simulant un désintérêt total pour ce séjour matinal dans les toilettes. Le sourire habituel de son frère la laissa de marbre ; du moins en apparence. Cette lueur maléfique qui brillait constamment dans son regard s'intensifia ; c'était un peu comme si Liam venait de bousculer violemment le démon qui était en elle. Mais malgré toute cette colère que son frère arrivait à faire surgir en elle, Ana-lena conserva un visage froid et impassible. Elle ne savait pas où elle allait chercher ce calme inhabituel qui l'habitait soudain, mais elle était plutôt fière d'elle. Il faut dire que la Serdaigle n'avait pas pour habitude d'observer silencieusement, ni d'attendre que son interlocuteur ait dépassé les bornes ; généralement, elle s'enflammait très vite, trop vite. Mais aujourd'hui, elle resterait aussi imperturbable que son frère, quitte à devoir passer à l'infirmerie une fois qu'elle l'aurait quitté, histoire de redonner une apparence à ses mains déjà ensanglantées. Car pour conserver cette expression calme et sereine, Ana-lena était bien obligée de compenser en s'offrant une douleur physique qui attirait assez son attention pour l'empêcher d'accorder tout son intérêt à Liam et à son exaspérant sourire ...

Ainsi, sans relever la précédente remarque de son frère, Ana-lena lui conseilla vivement de cesser ses pitreries, prenant soin de mentionner le fait qu'il salissait leur nom en s'abaissant à des actes aussi puériles ; la jeune fille espérait que cette réflexion pousserait son frère à la réflexion. Liam était tant attaché à son nom et à son sang - tout comme sa soeur d'ailleurs - qu'il ferait n'importe quoi pour en sauver l'honneur ; il tuerait probablement père et mère pour cela, ou du moins frères et soeur - étant donné l'admiration qu'il vouait à Celian et la mort prématurée d'Ayla. Mais les paroles de la jeune femme n'eurent pas vraiment l'effet escompté. Certes, elle ne s'attendait pas à entendre son frère s'exclamer qu'elle avait entièrement raison, loin de là, mais alors qu'il s'en prenne à elle, c'était carrément du délire ! Déjà, lorsque Liam s'était penchée sur la table, elle avait éprouvait un étrange sentiment : c'était comme une intuition. N'importe qui d'autre aurait prit ses jambes à son cou en voyant le Serpentard se rapprocher ainsi, ou du moins aurait instinctivement reculé, mais Ana-lena ne fit pas un geste, pas même un imperceptible mouvement de recul. Il saisit sa cravate, l'attirant un peu plus vers lui ; elle sentit le tissu s'enfoncer dans la chair de son cou, mais ne chercha pas à se dégager pour autant. Elle n'en eut d'ailleurs pas besoin. A peine Liam eut-il refermé la bouche qu'il rejeta négligemment la cravate de sa soeur, qui vint reprendre sa place, laissant au cou de la jeune fille la possibilité de reprendre des couleurs. Ana-lena sentit la colère monter en elle ; comment osait-il s'en prendre à sa maison !? Et puis il savait aussi bien qu'elle pourquoi le Choixpeau l'avait envoyé à Serdaigle et non à Serpentard ! Elle n'y était pour rien ! Tout cela, c'était la faute de leur famille, comme d'habitude, tout était la faute de leur maudite famille !

Ana-lena était furieuse, complètement enragée, littéralement prête à détruire tout ce qui se trouvait à moins d'un rayon de cinq cent mètres. Et pourtant, lorsqu'elle parla, sa voix était calme et posée, teinte d'amertume et de mépris. Elle détachait bien chaque syllabe, et les mots filaient comme des couteaux entre ses dents serrées « Je t'interdis de t'en prendre à ma maison ! Ce choix nous a tous sauvé, tu le sais aussi bien que moi ! Si je n'avais pas supplié le Choixpeau de m'éviter Serpentard, on serait peut être déjà morts, toi, comme moi. Alors tu devrais me remercier plutôt que de t'en prendre à moi ! Parce que sans moi Liam, sans moi, notre famille, ou plutôt ce semblant de famille que nous avons, et bien cette famille, elle serait complètement déchirée, détruite, morte. Et nous deux, on ne serait peut être même plus là pour se faire la guerre ! D'ailleurs, je n'ose même pas imaginer comment ça se passe au dehors ! Mais toi tu t'en fous n'est-ce pas ? La seule chose qui te préoccupe c'est ta petite personne, ton petit confort, ta petite gloire. La famille, ça n'a jamais compté pour toi ! Jamais ! Et moi je me tue, je me tue depuis toutes ces années à essayer de lui donner un semblant de réalité ! Mais tout le monde s'en fou ! Vous ne pensez tous qu'à vous déchirer ! » Ana-lena avait prononcé sa dernière phrase avec beaucoup plus de colère dans la voix et son poing s'était abattu sur la table avec tant de force que les assiettes et les couverts qui la recouvraient oscillèrent. Plantant ses yeux dans ceux de son frère avec beaucoup plus d'insistance qu'auparavant, la jeune femme ajouta d'une voix toujours aussi ferme, mais beaucoup plus faiblement, de sorte que personne ne pouvait l'entendre excepté le Serpenard : « Si maman était toujours là, je suis sûre que tu ne serais pas celui que tu es aujourd'hui ... » Si jusqu'alors, ses paroles avaient laissé son frère de marbre, Ana-lena vit tout de suite son regard s'animer d'une flamme nouvelle lorsqu'elle évoqua leur mère. Elle venait peut être de dépasser les limites en s'en prenant à ce qui était probablement le seul et unique point faible de son frère ...

A l'instant même où les mots franchirent ses lèvres, Ana réalisa qu'elle venait de faire une grosse erreur. Qu'est-ce qui m'a pris ? songea-t-elle tandis qu'elle scrutait avec attention le visage de son frère. Comment allait-il réagir à cette provocation ? Parce que oui, ce qu'elle venait de faire, ces paroles qu'elle venait tout juste de prononcer, ces mots qui lui avaient dangereusement échappés, tout cela, tout cela était bel et bien une provocation à l'encontre de Liam. Mais c'était bien involontairement qu'Ana-lena avait dépassé les limites ; les mots furent plus rapides que la pensée, tout simplement. Son impulsivité et son côté colérique avait une fois de plus joué en la défaveur de la jeune femme. Parce qu'elle n'était pas naïve : elle savait parfaitement que Liam n'apprécierait pas cet élan de folie de sa part. Ana-lena venait de toucher un point sensible, probablement le seul qui existait dans le coeur de son frère. Un peu plus, et elle s'en aurait presque voulu de faire remonter en lui des souvenirs aussi douloureux. Elle savait qu'il avait très mal vécu le décès d'Ayla ; elle savait qu'il la prenait pour une meurtrière depuis qu'elle était morte en lui donnant la vie. Elle n'avait pas voulu cela, elle n'avait rien demandé à personne, elle était née un peu trop tôt, c'est tout. Ce n'était pas de sa faute, elle n'y était pour rien. Non, ce n'est pas de ma faute ! se répétait-elle inlassablement depuis quelques dizaine de secondes pour tenter de s'en convaincre. Mais il faut croire que Liam n'était pas du même avis ...

Le geste fut violent, le choc brutal, le résultat douloureux. La main qui venait de s'abattre sur la joue de la Serdaigle avait probablement laisser une grosse marque rouge sur la zone de l'impact. Ana-lena était sonnée. Que venait-il donc de se passer ? Qu'avait-elle reçu en plein visage ? Une bombe venait-elle d'exploser ? Une troll s'était-il jeté sur elle ? La jeune fille n'eut pas le temps de reprendre ses esprits ; à peine avait-elle porté sa main à sa joue que la baguette de son frère s'enfonçait douloureusement dans sa gorge. Les paroles de Liam s'imprégnèrent dans l'esprit de la Serdaigle qui sentait son coeur s'emballer dans sa poitrine. Elle savait qu'il ne plaisantait pas ; elle savait que si elle disait un seul mot de plus, il allait la réduire en bouillie, la ridiculiser, peut être même la tuer. Ana-lena était incapable de faire le moindre geste. La baguette qui s'enfonçait dans sa chair la faisait souffrir, sa joue était douloureuse, brûlante. Elle sentait que tous les regards étaient braqués sur eux ; elle savait que les élèves présents ne perdaient pas une miette du spectacle. Mais elle n'avait pas l'intention de leur donner plus d'action, c'était déjà trop, beaucoup trop. Ana-lena garda le silence, retint sa respiration, et soutint le regard de son frère. Certes, elle était effrayée par ses menaces qu'elle prenait très au sérieux, mais elle n'en était pas pour autant décidé à se soumettre à lui : elle n'allait pas baisser les yeux ! Finalement, Liam rangea sa baguette et s'éloigna de son air impérieux, comme à son habitude. Ana-lena resta immobile, muette. Il lui fallut une bonne minute avant de reprendre ses esprits, et tandis qu'elle se retournait pour voir le dos de son frère disparaître dans le Grand Hall, elle se sentit animée par un sentiment étrange, un sentiment qu'elle n'avait pas l'habitude d'éprouver, un sentiment qu'elle éprouvait peut être pour la première fois. Oui, la Serdaigle était envahie par le remord ...

D'un bond, Ana-lena se redressa et enjamba le banc des Serpentards. Elle avait retrouvé son assurance, et la tête haute, le dos bien droit, elle traversa la Grande Salle, suivant le même chemin que son frère quelques instants auparavant. Son pas était plus vif, plus pressé, plus souple aussi. Elle devait le rejoindre. Oui, la jeune femme devait absolument rattraper son frère avant qu'il ne disparaisse dans les cachots des serpents. Elle pressa l'allure et ne tarda pas à regagner le Grand Hall. Son frère était à quelques mètres devant elle ; autour d'eux, il n'y avait personne, le lieu semblait totalement désert. Petit à petit, dans la Grande Salle, les conversations reprenaient à mi-voix, les chuchotements se faisaient de plus en plus forts, de moins en moins discrets ; Ana-lena perçut même un semblant d'éclat de rire. Mais tout cela ne lui importait guère. Ce qu'elle voulait, c'était parler à Liam, c'était qu'il l'écoute, qu'il l'écoute vraiment. Pour une fois. La Serdaigle fit quelques pas de plus et arrivée juste derrière lui, elle s'arrêta net. Elle hésitait, prise de panique. Et s'il me tue, là, maintenant, tout de suite ? songea-t-elle. Je prends le risque ! finit-elle par décider sur un coup de tête, poussée par une force inconnue, probablement divine - ou peut être qu'au fond, elle n'était qu'une suicidaire refoulée. « Liam ... » commença-t-elle d'une voix hésistante. « Je ... je voudrais m'excuser pour ... pour ce que je viens de dire. Je voudrais m'excuser pour ma... pour ... pour tout. Je n'aurais pas dû ... » Et tout en parlant, Ana-lena suppliait le ciel de lui laisser la vie sauve ... après tout, elle était bien trop jeune pour mourir.

Il avait quitté la Grande Salle en quelques secondes, furieux. Pas la peine de leur donner plus de spectacle à ces cons, avait-il pensé. Elle avait voulu faire, comme elle avait l'habitude, une scène, un scandale ? Et bien cette fois, elle avait réussi plus que les autres ! Puisque oui, ils avaient échangé les rôles l'espace d'un instant, elle qui était devenue calme, et lui furieux. Elle avait réussi à le faire sortir de ses gonds - chose rare. Chose rare certes, mais pas forcément bonne ! Pas du tout même. On pourrait presque qualifier ça de dangereux ... Le brun lui-même avait eu peur de sa colère, certes il en voulait énormément à sa soeur, mais il ne désirait pas la tuer, car elle le même sang coulait dans ses veines, et, parfois, il pensait que si sa mère - même si ce n'était pas volontaire - était morte pour donner naissance à cet être, c'est que, quelque part, elle le méritait. Il reprit cependant vite ses esprits, se rappelant la raison pour laquelle il la détestait tant, et pour laquelle ils venaient de se disputer. Elle n'avait réellement mérité que ce qu'elle avait cherché. Réveiller les démons de Liam comme ça, sans prévenir, c'était gagner à coup sûr une réplique violente et imprévisible de sa part ; ce qu'elle avait réussi à avoir. Il aurait du utiliser sa baguette ; ainsi, elle ne serait pas là, entrain de le suivre, en direction des cachots où les cours se déroulaient habituellement, les élèves ne se doutant pas une seule seconde de la tempête qui venait de passer dans la Grande Salle et qui arrivait à grands pas vers le salle commune des serpents. Oui, il savait qu'elle était là, entrain de le suivre, à essayer de le rattraper. Quelle réplique cinglante allait-elle encore lui lancer ? Il ne voulait pas l'arrêter car il avait envie de l'entendre encore se jeter dans la gueule du loup, pour qu'enfin il ait une raison de se venger à l'aide d'un bon maléfice cuisant. C'est là qu'au tournant d'un couloir, maintenant en face de l'entrée de la salle commune, elle se stoppa net, prenant la parole, ce qui le fit stopper lui aussi. " Liam ... Je ... je voudrais m'excuser pour ... pour ce que je viens de dire. Je voudrais m'excuser pour ma... pour ... pour tout. Je n'aurais pas dû ... " Pardon ? Que se passait-il à l'instant ? Ana-Lena Bradshaw venait de s'excuser face à son frère ? Alors que c'était sûrement lui le plus criminel des deux ? Et que jamais dans sa vie elle ne s'était excusée ainsi à quelqu'un ? Ou excusée tout court d'ailleurs ... Non, c'était vraiment improbable. C'était Noël qui la rendait comme ça ou quoi ?

C'est alors que quelque chose d'improbable se passa. Liam ressentit quelque chose en lui, quelque chose de fort. Ce qu'on pouvait communément appeler de la culpabilité. Comment ! Comment pouvait-elle lui faire ressentir ça ? Jamais il ne ... Non, jamais ... Il en perdait ses mots, n'arrivait plus à penser. Tout allait trop vite, il pensait trop vite. Il passa une main dans ses cheveux bruns, se massant en même temps le front, puis finit par se retourner vers elle, les lèvres légèrement entre-ouvertes, perplexe. Que devait-il répondre ? Son cerveau ne semblait plus maître de lui-même. Comme si c'était la première fois qu'il avait à faire à cette situation, et que son cerveau ne savait quel chemin prendre : son impassibilité venait donc de se briser clairement devant sa soeur. En effet, que devait-il faire face à cette culpabilité qu'elle lui faisait ressentir par ses mots inhabituels et profonds ? Il venait de faire s'excuser la plus grande des terreurs et des (presque) sans-coeurs de Poudlard, alors que c'était lui le véritable coupable. Comment ne pouvait-on pas se sentir coupable dans ces moments-là ? Personne ne l'était plus que lui. Il avait, durant toutes ces secondes, baissé les yeux, n'osant affronter son regard. Puis, là, il venait de les relever vers elle, s'apprêtant à répondre. Mais que pouvait-il dire ? Etait-ce ces moments-là où on devait ... laisser parler son coeur ? Pff ! Foutaises, niaiseries, pesta-t-il intérieurement. Cependant, son cerveau ne lui indiquait autre choix ... Il n'avait pas de réponse toute préparée, de réplique cinglante. Pour la première fois pour Liam, il semblait qu'il soit obligé de laisser son coeur parler. Si on pouvait appeler ça un coeur ... Malheureusement, rien ne sortait. Preuve qu'il n'avait aucunement l'habitude de le faire. Alors, quand on ne peut pas parler, ce sont nos gestes qui parlent pour nous. C'est comme ça que, sans réfléchir, inconsciemment, impulsivement, il effaça les deux minuscules mètres qui les séparaient lui et sa soeur, et s'arrêta devant elle, immobile. Sa main se leva, et effleura d'un geste - pouvait-on réellement qualifier ce geste ainsi venant de lui ? - tendre la joue rosée d'Ana, là où sa main s'était précédemment écrasée avec lourdeur. Il inspira fortement, et finit par laisser retomber sa main, plantant ses yeux azurs dans ceux de la Serdaigle. — Je ne recommencerais plus. Je suis désolé. II avait du mal à tenir le regard, comme si il avait honte de s'excuser. Pourtant ce n'était pas une honte. Mais c'était un bout de fierté qu'il avait sacrifié pour sa soeur. Et c'était déjà beaucoup pour lui. Enormément même.